mardi 26 janvier 2010

LES ARMES DU VICE-ROI

Camille Bouchard, roman aventure 13 ans +, Éditions Hurtubise, 310 pages

Avertissement: ce livre peut contenir termes et expressions onques portés à votre attention. À la bonne heure! enrichissons notre vocabulaire. Ce n'est pas du texto... c'est pas mal plus beau.

Quand on parle d'histoires de pirates on pense tout de suite à une littérature jeunesse, mais je crois que les écrits de M. Camille Bouchard atteignent un lectorat beaucoup plus large.

Lionel Sanbourg poursuit avec ce 4e tome l'entreprise amorcée dans les volumes précédents, soit coucher sur papier ses aventures à l'époque où il était mousse sur le galion du capitaine Cape-Rouge. On devrait plutôt parler ici de ses frasques, car l'inexpérience et la naïveté de notre moussaillon - aveuglé par l'amour - lui feront commettre certains impairs qui pourraient bien leur coûter la vie, à lui et ses compères. Une chose semble toutefois jouer en leur faveur: les cannibales ne prisent pas particulièrement la chair des Blancs, trop salée à leur goût.

On sourit souvent devant les expressions pittoresques de nos bandits des mers, qu'elles traduisent un sentiment de surprise ou de colère: «Par le caleçon du Christ! jura le Jésuite qui n'en était point à son premier blasphème.»

Cette série pleine de rebondissements vous fait voyager à travers le temps et l'espace. Vous y apprenez un tas de choses sur la géographie et les mœurs de l'époque - l'auteur a beaucoup lu et voyagé - et ne pouvez que vous incliner bien bas devant une plume aussi joliment raffinée, peu importe que les termes utilisés soient toujours en usage ou non.

Le cinquième et dernier tome de la série, intitulé Trésor noir, paraîtra ce printemps.

mardi 19 janvier 2010

Carpe diem

Saisir l’occasion, Herman en a bien l’intention. Son ultime chance de bonheur s’apprête à lui filer sous le nez et il est résolu à se battre avant de laisser l’oiseau s’envoler. Comme le volatile en question se révèle passablement difficile à apprivoiser, la partie est loin d’être gagnée et notre prétendant devra se montrer tenace s’il veut parvenir à ses fins.

Herman (Normand Lévesque) est veuf depuis trois ans. Christine (Pierrette Robitaille) a perdu son mari l’année précédente. Très liés, les deux couples se fréquentaient depuis une trentaine d’années. La pièce s’ouvre sur un malentendu, rendez-vous manqué devant la tombe du disparu le premier anniversaire de sa mort - Christine et Herman n’arrivent tout simplement pas à s’entendre sur la date exacte du décès. Ce n’est que le début, ils n’en sont pas à une divergence près. Lorsque notre homme se pointe enfin chez Christine, 24 heures trop tard, celle-ci s’affaire à plier bagages. Elle quitte New York pour la Floride, éprouvant le besoin de changer d’air. Deux déménageurs (Donald Pilon et Laurent Duceppe-Deschênes) sont déjà sur place et deviennent sans le vouloir les témoins de l’intrigue qui se nouera entre ces complices de longue date.

La pièce souffre de quelques longueurs et un humour bon enfant porte ombrage à ce qui se veut une réflexion philosophique sur le deuil, l’amitié, l’amour et la sexualité des 60 ans et plus, mais le jeu des comédiens compense les faiblesses en question. L’ineffable Pierrette Robitaille est égale à elle-même – drôle et expressive à souhait - et Normand Lévesque se défend bien dans le rôle du gars près de ses sous, peu sûr de lui mais prêt à tout pour obtenir ce qu’il veut. En outre il révèle ses talents de chanteur dans Sentimental Journey et de danseur en évoluant sur l’air de In the mood, l’une des meilleures scènes de la soirée.

Monique Duceppe signe la mise en scène de Un peu, beaucoup, passionnément… (Mixed Emotions) comédie romantique de Richard Baer jouée pour la première fois à Los Angeles en 1987. Cette pièce avait ensuite tenu la scène six semaines à Broadway avant d’être présentée sur le vieux continent et en Australie. Le directeur artistique Jean-Bernard Hébert en a confié la traduction à Michel Tremblay, qui a su jouer de finesse afin de transposer sans la dénaturer une histoire se déroulant sous le ciel de Manhattan il y a plus de vingt ans..

mardi 12 janvier 2010

Pas bien méchant, le nounours

On nous promettait un gros nounours ayant mis à profit trois ans d'hibernation pour se faire les griffes. Booooh! En fait d'humour acerbe on a vu pire. En tout cas me voilà à jamais guérie de ma peur des ours.

Avec ce quatrième spectacle, Mario Jean touche un peu à tout mais ne casse rien. Il attire toujours les foules, c'est un fait. Il a le sens de la répartie, certains spectateurs en ont fait les frais. Durant près de deux heures il enchaîne les numéros portant sur ses problèmes de poids, les ados, les personnes âgées aux prises avec les nouvelles technologies, Ben Laden toujours introuvable, tel un bas mystérieusement disparu dans la sécheuse... Ce n'est pas mauvais mais il y a une part de réchauffé, de prévisible.

Ce qu'on a bien aimé: quand il parle de mettre les bonnes personnes aux bonnes places. On pourrait par exemple remplacer les ambulanciers par les livreurs chez Mikes, eux qui garantissent un service rapide et sans délai. Autre brillante suggestion: pourquoi ne pas confier le système d'éducation à César, qui réussit à faire de petits miracles avec des chiens dont la cause semble sans espoir?

Ce qu'on a moins aimé (mais Mario Jean n'y est pour rien): quand une personne dans la salle commente les gags ou - pire encore - vous donne du haut de sa science le punch deux secondes avant l'humoriste. Il vous prend alors des envies de partir hiberner à votre tour.

mardi 5 janvier 2010

WAKATANKA

Roman, André Morissette, 161 pages
Les romans initiatiques comptent des milliers d’amateurs sur la planète. Grand bien leur fasse. J’estime pour ma part que s’ils recèlent d’indéniables vérités, plusieurs de ces récits font preuve d’une naïveté désolante.

Même les auteurs les mieux établis, suivis par nombre d’adeptes (on pense entre autres à Dan Millman) exploitent des clichés éculés. Le présent ouvrage ne fait pas exception.

L’auteur avait pourtant de solides bases au départ: l’analyse des rêves et la légendaire sagesse amérindienne, deux sujets aptes à soulever l’intérêt et, apparemment, tout à fait dans ses cordes. C’est malheureusement dans la forme que ça se gâte. La trame est décousue, la langue française y est malmenée et lors des dialogues, les personnages passent pour des abrutis: «- C’est quoi cette chose dont tu te souviens. - Une parole. – Une parole? – Oui. Le maître des lieux m’a dit une chose bien étrange, comme un reproche adressé à l’Homme en général. – Un reproche tu dis? – Oui. Il nous reproche de ne pas l’écouter. – Ah bon! C’est comme si tu nous disais que le «Divin» nous reproche de ne plus l’écouter, c’est ça?». Passons…

Le personnage principal, prénommé Paco, est un veuf alcoolo, asocial et jugé sévèrement par ses pairs. La transition n’est pas claire mais, du jour au lendemain, voilà notre ivrogne repenti transformé en héros juché sur un Appaloosa, paré de ses plus belles plumes et galopant allégrement vers la découverte de la vérité avec un grand V. Un destin fabuleux l’attend, il n’avait somme toute qu’à décoder ses rêves.

La reprise en main, on veut bien. L’étude des songes et la recherche du sens voilé de toute chose? Idem. Pour le reste, il ne faudrait peut-être pas charrier.