mardi 23 juin 2009

CHAMPAGNE

Monique Proulx, roman, éditions Boréal, 391 pages
Une fois de plus, Monique Proulx nous éblouit grâce à la magie qui sort de sa plume. Comment fait-elle donc pour aussi bien saisir l'âme humaine dans toute sa diversité et sa complexité? Serait-elle un peu sorcière?
Champagne - comme tout ce qu'a écrit cette auteure que j'admire infiniment - se veut un hymne à la vie malgré toutes ses difficultés, un hommage à la nature et à la beauté qui nous rappelle un certain air: «Tout ce qui grince et siffle, tout ce qui pique l'attention ou la peau, tout ce qui promène au-dessus ou en dessous de l'eau sa livrée terne ou flamboyante en se contentant d'être ce qu'il est, dans cet état de parfaite aisance qui est de la beauté, tous ceux-là l'aideraient à réparer.»
Réparer? Enfin si cela est encore possible car il y a énormément à faire pour panser les plaies des écorchés vifs qui, la belle saison venue, prennent possession des petits chalets entourant le lac à l'Oie dans les Laurentides. Chacun des principaux personnages: Jérémie, Lila Szach, Simon, Claire et Violette nous dévoilera au fil des pages son drame intime, son ultime secret.
C'est beau, profond et triste, un peu comme l'automne, et on savourerait volontiers chacune des pages de Champagne un verre de bulles à la main, assis sur une bûche, les pieds sur un tapis de feuilles, en champagne, justement «... champagne et campagne, même combat. Mêmes bulles d'allégresse. Même mot, fondamentalement. Qui sait encore qu'au Moyen Âge tout ce qui n'était pas la ville, tout ce qui était territoire sauvage s'appelait la champagne?»
Bref, c'est à déguster et il ne faut surtout pas vous inquiéter si les mots de Monique Proulx vous montent à la tête, c'est tout à fait normal. L'auteure a remporté de nombreux prix, dont le Prix des libraires du Québec et le Prix Québec-Paris pour Homme invisible à la fenêtre (Boréal, 1993).

mardi 16 juin 2009

Des cadavres dans le placard

Dans la pièce «Le pont de la survivance», les comédiens du Théâtre des Deux Masques ont su rendre l'intensité et l'émotion propres au texte de l'auteure, Mme Catherine Chevrot.
L'amour rend aveugle, n'est-ce pas? C'est bien ce que pensaient Charlotte Todd (France Clavet) et son ami Florian Lizotte (Réjean Boulet)... que cette expression figure dans l'Almanach ou non.
Aveugle, il fallait l'être pour que Tharsile Todd (Nadine Mercier) ne puisse percer à jour l'être psychotique dont elle était amoureuse. Jean-Baptiste Corriveau (Jérôme Landry), a déjà derrière lui un lourd passé lorsqu'il s'établit à Montmagny avec femme et enfants. Il a été acquitté, faute de preuves, du viol et du meurtre de son employée Mlle Maçon (Julie Gagné) et des soupçons pèsent sur lui dans une nébuleuse affaire impliquant la disparition de l'un de ses commis.
Le voici donc à Saint-Thomas, violent, abusant de la dive bouteille et sans le sou, dépendant de sa belle-mère pour nourrir ses huit enfants. Les proches de Mme Todd sont inquiets, mais ce n'est pas Ignace (Gabriel Gaudreau) ou Sophie Saint-Pierre (Carole Gendron) qui pourraient prédire les intentions de Corriveau, à la veille de commettre un nouveau meurtre afin de toucher les quelques deniers amassés par belle-maman. Après être passé à l'acte, le fourbe personnage tente de coller son crime sur le dos d'Ignace mais nul n'est dupe. Pas même sa fille Norbelle (Stéphanie Cloutier-Gaudreau), qui essaie vainement de faire entendre raison à sa ô combien naïve maman.
Pour son crime, Jean-Baptiste Corriveau fut condamné à la pendaison avant de voir sa peine commuée en détention à perpétuité. Il est décédé derrière les barreaux 15 ans plus tard, soit en 1870, sa santé s'étant détériorée alors qu'il purgeait sa peine.
Puisqu'il s'agit d'un fait historique - un premier meurtre commis à Montmagny - l'auteure a dû faire preuve d'une grande rigueur et y investir de nombreuses heures de recherche. La qualité de son texte est bien servie par l'excellent jeu des acteurs, un éclairage et des décors soignés et enfin des costumes d'époque assortis.

mardi 9 juin 2009

Ces enfants... qui m'ont enseigné

Florence Guay, récits et mémoires d'école, les Éditions Floraison, Saint-Anselme, 381 pages
Avec un titre et un sujet pareils, on pense tout de suite à Gabrielle Roy et Ces enfants de ma vie, évidemment, et le livre de Florence Guay n'est effectivement pas très éloigné, dans la forme et le style, de celui de Mme Roy «... cette grande écrivaine que je vénère et qui m'inspire» de dire Mme Guay.
Celle qui toute jeune s'attelait avec angoisse à une lourde tâche a vite compris que l'enseignement serait pour elle une véritable vocation. Florence Guay y a consacré 35 ans de sa vie; trois décennies et demie empreintes de défis et d'aventures de toutes sortes qu'elle nous livre depuis ses débuts: «Je n'avais que seize ans et je ne m'imaginais pas seule dans une école de rang à assumer le poids d'une classe à sept divisions»... jusqu'à la toute fin d'une carrière bien remplie: «En classe, la réalisation d'un journal de fin d'année monopolisa les énergies de mes étudiants. (...) J'étais bien consciente qu'à travers eux, en ce dernier vécu de fin d'année scolaire, c'était à des centaines d'autres que je m'adressais, tous ces anciens élèves et étudiants que j'avais eu le bonheur de connaître dans ma vie d'enseignante.»
Beaucoup d'eau aura coulé sous les ponts entre ces deux périodes de sa vie et l'on prend grand plaisir à suivre les péripéties de la «maîtresse d'école» et celles de ses protégés - mille et une anecdotes teintées de rires, de larmes et d'une passion jamais démentie, celle de l'enseignement.
Après son départ, la jeune retraitée ne perdra pas de temps à se tourner les pouces. Plusieurs projets occuperont ses heures de liberté retrouvée, notamment des études en création littéraire à l'Université Laval, son implication au conseil d'administration de Radio-Bellechasse, la rédaction de chroniques et la fondation des Éditions Floraison. Enfin en 1998, Florence Guay publiait La petite histoire d'un rang.
Voici qu'elle récidive dix ans plus tard avec ce nouveau recueil, lancé en octobre dernier devant près de 400 personnes dont plusieurs anciens élèves. Ces enfants... qui m'ont enseigné est disponible chez Livres en tête à Montmagny et aux librairies Renaud-Bray de Lévis et Québec. Ce livre vivant, écrit avec des mots simples et touchants, recèle une part de notre histoire à tous et je vous le recommande sans hésitation.

mardi 2 juin 2009

Une bouteille à la mer

Comme l'illustre bien le dessin d'Isabelle imprimé sur le programme, la Troupe Hallélou lançait avec ce 44e spectacle annuel un message, ou plutôt une note, porteuse de paix et d'espoir.
C'est un fait, un thème se dégage de plusieurs pièces figurant à la programmation et Nicole Boulet se charge, avant le lever du rideau, de nous en tracer les grandes lignes. Il y est question de spiritualité, d'amour, d'élévation de l'âme. Elle réussit même à glisser dans sa composition l'élection de Barack Obama et un possible rapprochement des peuples, imaginez... On applaudit à cette initiative qui nous permet de mieux saisir les subtilités liées aux chansons présentées, que ce soit en français, en anglais ou en swahili.
Ont été chaleureusement accueillies: Trop loin l'Irlande, Ton histoire, You raise me up, Baba Yetu et Entre Matane et Baton rouge, entre autres, ainsi que la très belle Hallelujah de Leonard Cohen, chantée en rappel. Si l'on avait pu éviter les projecteurs aveuglants et se dispenser de quelques chorégraphies, on aurait encore mieux profité du chant choral. Je me dois de noter ici un commentaire entendu une fois de plus samedi soir, reflétant un sentiment apparemment partagé par plusieurs: pourquoi ne pas offrir aux solistes - certaines étant particulièrement appréciées du public magnymontois - des chansons qui leur permettraient d'exploiter leur plein potentiel?
Ceci étant dit, on accorde dans son ensemble une bonne note au spectacle, fruit d'un investissement personnel et d'un travail d'équipe considérables.