vendredi 12 décembre 2008

Admirable!

Clémence Desrochers avait dit vrai - le rire et l'émotion étaient bel et bien au rendez-vous dimanche soir lors du spectacle qui mettait un terme à cinquante ans de carrière. Le rideau est tombé, l'artiste se retire en beauté.
Quelle chance que d'avoir pu assister à «Mes classiques en public», florilège de poésie, chansons et monologues où se dévoilent cette émotion, cet humour particulier qui font que l'on se reconnaît si bien dans ce qu'elle raconte. Si Clémence a beaucoup donné, son public le lui a bien rendu car l'enthousiasme et l'affection manifestés par les gens dans la salle étaient à la hauteur.
Le pianiste Steve Normandin, l'altiste Jean René et le contrebassiste Roger Coderre avaient vu juste - leur apport à des textes ayant déjà fait leurs preuves constituait une charmante façon de leur offrir un dernier tour de piste. Et puis les musiciens avaient le beau rôle, soufflant son texte à une Clémence exploitant sans vergogne ses légendaires blancs de mémoire...
Celle-ci s'amuse bien avec les spectateurs, leur faisant apprendre par coeur de remarquables alexandrins... On se tord de rire pendant le numéro où elle se retrouve dans un hôpital anglophone, ou encore avec Carole la bénévole créole qui tente de former une chorale dans un centre «d'écueil». Elle se pète un peu les bretelles (avec raison!) en vous apprenant que Michel Tremblay aurait écrit Les Belles-Soeurs après avoir entendu Les jeudis du groupe. Elle sait vous émouvoir quand elle parle de Rose, sa mère, et d'Alfred, son père, qu'elle cite dans ce superbe texte: Élégies pour l'épouse en-allée. Enfin je lui lève mon chapeau pour la très belle chanson Deux vieilles, commande de Pauline Julien pour son spectacle Fleur de peau en 1979.
Lorsque Clémence quitte la scène après avoir chanté Cet été je ferai un jardin et Je vis ma ménopause, pendant laquelle les gens n'oseront même pas se rasseoir après une chaleureuse ovation, on se sent un peu abandonné; comme elle-même, en fait, lorsqu'elle évoque dans Le lac en septembre la nostalgie d'un été envolé, ne laissant derrière lui que souvenirs. Mais ne terminons pas cet article sur une note triste. Maintenant qu'on le lui a promis, nous avons pour mission de garder en mémoire ces vers ô combien intemporels: «Il comprend à son tour ce terrible décret, quand la saucisse brûle, le boudin se défait». Ce que ça peut signifier, je n'en ai aucune idée. Elle non plus, d'ailleurs.
Sérieusement Clémence, vous allez nous manquer.

Clémence arrive... qu'on se le dise!

Clémence Desrochers sera à la salle Edwin-Bélanger le dimanche 7 décembre pour présenter «Mes classiques en public», son ultime prestation. J'ai réussi à la joindre au téléphone, entre deux représentations.
«Voir Clémence en spectacle, ça vaut mille injections de vitamines» a déjà écrit Claire Caron du Journal de Montréal. Je la crois volontiers et c'est pourquoi je ne raterai pas cette dernière chance de voir évoluer sur scène celle qui a su inspirer des générations d'humoristes, compositeurs et écrivains.
Trois musiciens, dont le chef d'orchestre, chanteur et accordéoniste Steve Normandin, lui auraient donné le goût de se lancer dans cette nouvelle aventure. Ensemble, ils auront mis deux ans à sillonner les routes de la Belle province, dans une tournée d'adieux qui prendra fin en janvier.
Pas avare de commentaires pour deux sous, notre Clémence nationale m'a fait entrevoir un spectacle digne de ses succès passés, rempli de rires et d'émotion. Il touche beaucoup les gens, a-t-elle laissé entendre. Et puis la grande dame promet de laisser une place appréciable à l'improvisation, où elle excelle.
Cinquante ans d'écriture lui auront permis de donner vie à une oeuvre foisonnante parmi laquelle ont été sélectionnés, pour ce dernier show d'une durée de 90 minutes sans entracte, chansons, fables et monologues toujours actuels. Bien qu'elle ne fasse plus certains classiques comme l'Acheteuse, mon préféré, elle a réussi à me convaincre que je ne perdrais pas au change. Si vous avez envie d'une petite bouffée de chaleur avant le long hiver qui s'amorce, je vous suggère donc de retenir sans tarder vos places pour dimanche soir (il en resterait encore de bonnes).
La vie après la scène
Lorsque je lui demande quels projets elle a en tête, Clémence me fait cette réponse toute simple: «Continuer à vivre». Elle prendra soin de son jardin, de ses trois chats et de ses fleurs, comme elle l'a toujours fait, profitera de sa maison à la campagne et maintiendra la forme grâce au ski de fond et à la natation, qu'elle pratique régulièrement. Il a aussi été question de voyages et bien sûr de dessin, d'expositions, des causes qui lui tiennent à cœur, par exemple le centre d'expression Les Impatients et son engagement envers les femmes victimes de violence. Enfin elle affrontera ses angoisses liées à la maladie et aux années qui passent en discutant autour d'une bonne table en compagnie de ceux qui lui sont si chers.

Catherine Chevrot et le TDM voient leur travail reconnu par la FQTA

Montmagny a eu la part belle dans ce cinquième concours Création-Production-Théâtre qui vise à promouvoir, guider et valoriser le théâtre amateur. Mme Catherine Chevrot et le Théâtre des Deux Masques ont tous deux remporté la palme dans leur catégorie respective.
Étaient réunis au restaurant La Volière samedi dernier Mme Marie-Thérèse Quinton, marraine de l'événement, les membres du conseil d'administration de la Fédération Québécoise du Théâtre Amateur et, évidemment, les fiers récipiendaires. Des bourses totalisant 5 000$ ont été remises à l'auteure et à la troupe lors d'une conférence de presse. En tout, neuf textes et cahiers de charge avaient été reçus à la date limite du concours, soit le 30 septembre.
Dans la catégorie AUTEUR, le prix a été décerné à Mme Catherine Chevrot pour sa pièce intitulée «Le pont de la survivance», dont on a louangé l'écriture magnifique, la rigueur et la sensibilité.
Une deuxième catégorie visait la troupe présentant le meilleur cahier de charge et devis de production et c'est le Théâtre des Deux Masques qui a été choisi, aussi bien par l'auteure que par la FQTA.
Nous pourrons donc apprécier une nouvelle fois le fruit d'une belle complicité entre Mme Chevrot et le TDM, lorsque la pièce sera jouée à Montmagny en juin prochain. Ce spectacle clôturera la tenue du 2e Gala des Arlequins, récompensant le travail des membres de la fédération. Rappelons qu'on a déjà eu droit à d'heureuses collaborations entre Mme Chevrot et le TDM, notamment dans les oeuvres «La légende des oies d'Irlande», «Le retour de l'Irlandais» et une pièce historique sur la vie de Sir Étienne Paschal-Taché.
Le pont de la survivance
L'écriture de cette pièce a nécessité moult heures de recherche historique et beaucoup de rigueur, puisqu'il s'agit d'un fait réel. Elle met en lumière le premier meurtre qui aurait eu lieu à Montmagny, au milieu du 19e siècle. L'histoire tourne autour de trois personnages centraux: Mme Todd, d'origine écossaise; sa fille Tharsile qu'elle élève seule; Jean-Baptiste Corriveau, jeune homme au passé trouble qu'une Tharsile subjuguée épousera en cachette à l'âge de 16 ans, au grand désespoir de la belle-mère qui voit en son gendre un être maléfique. L'Histoire lui donnera raison, mais Mme Todd n'aura même pas le temps de faire valoir sa clairvoyance.
La pièce mettant en scène douze comédiens du Théâtre des Deux Masques sera présentée pour une première fois le 13 juin 2009 à la salle Edwin-Bélanger. On espère offrir une deuxième représentation le lendemain, si la réponse est favorable.

Fabulateurs que nous sommes

L'espèce fabulatrice, Nancy Huston, Actes Sud/Leméac 2008, 192 pages
«À quoi ça sert d'inventer des histoires, alors que la réalité est déjà tellement incroyable?»
Cette question, point de départ du dernier essai de Nancy Huston, lui est posée par une femme détenue pour meurtre à la prison Fleury-Mérogis. Comme elle n'est pas pour répondre n'importe quoi à la madame, Nancy Huston prend son temps.
La réflexion qui suivra est lucide, implacable, à la limite du cynisme. L'auteure fera le tour de la question en analysant - et réduisant à néant - tout ce qui nous tient lieu de fictions.
C'est ainsi que l'on ira creuser jusqu'à la racine des notions telles que la recherche d'identité - les croyances - l'instinct animal - la race humaine en tant qu'espèce dotée de conscience et apte à l'interprétation - les fables guerrières, enfin, menant au sublime comme au monstrueux:
«Les fariboles sont précieuses, miraculeuses. Elles nous permettent, les yeux fixés sur l'idéal, de tenir le coup dans l'adversité.
Les fariboles sont funestes, terrifiantes. Elles nous permettent, les yeux fixés sur l'idéal, d'ouvrir le gaz pour exterminer nos semblables.»
À elles seules, ces phrases percutantes résument assez bien le propos de Nancy Huston. Oublions la lecture détente, il va sans dire, mais il y a là intéressante matière à réflexion.